Panorama mondial des normes ESG et impact pour la Suisse

normes ESG

Les investisseurs cherchent à identifier des entreprises ou produits financiers durables ou responsables. Mais comment mesurer la durabilité ? Comment s’assurer d’orienter ses investissements dans des actions en faveur de l’environnement ou qui limitent les risques financiers liés à la nature ?

C’est tout l’enjeu des publications de données non financières. Elles visent à informer l’investisseur. Ces sujets d’actualité progressent en permanence grâce aux travaux d’organismes internationaux et à l’émission de standards ou de normes. Nous vous proposons dans cet article un panorama des normes ESG en vigueur et des instances à connaître. Nous évoquons aussi les positions de la Suisse et les évolutions probables de la réglementation.

1 – Normes ESG : de quoi parle-t-on ?

L’acronyme ESG signifie environnemental, social et gouvernance. Ce terme se rencontre désormais partout dans les entreprises ainsi que dans le secteur de la finance et de la banque. Ce sont les critères non financiers que revêtent des activités économiques ou des investissements et qui impactent l’environnement ou l’ensemble de la société.

1.1 – Définition des critères ESG

Les trois dimensions ESG servent à évaluer la durabilité (sustainabilty ou soutenabilité), soit la démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Ce sont donc des indicateurs pour suivre les effets des activités économiques d’une entité sur l’environnement et sur l’ensemble de la société.

1.1.1 – Axe environnemental

Ces critères ESG concernent les impacts sur le changement climatique, l’utilisation des ressources sur la terre et les émissions de gaz à effet de serre (GES). Ils mesurent aussi des aspects comme la pollution ou le traitement des déchets.

1.1.2 – Axe social ou sociétal

D’autres indicateurs ESG évaluent les impacts d’une activité économique sur les hommes, qu’il s’agisse des salariés, des clients ou des fournisseurs :

  • conditions de travail, sécurité et santé dans les entreprises ;
  • droits de l’homme ;
  • communication, relations entre les salariés, implication dans la communauté, etc.

1.1.3 – Axe de la gouvernance

Ce troisième axe des critères ESG s’intéresse à la manière dont une entreprise est gérée et administrée

  • les relations avec les actionnaires, les organes de direction et le conseil d’administration ;
  • les échelles de rémunération et la transparence en la matière ;
  • la politique anti-corruption ;
  • l’éthique fiscale, etc. 

1.2 – Les normes ESG, une manière de poser un cadre pour mesurer la finance durable et responsable

L’ensemble des critères ESG aide l’investisseur dans ses choix financiers, grâce à l’intégration de données non financières afin d’évaluer la performance globale. Le fait d’adopter une stratégie d’investissement responsable doit générer plus de valeur pour la société à long terme.

Comment mesurer ces facteurs ESG ? Comment éviter le greenwashing ou écoblanchiment ? Ce sont des problématiques auxquelles sont confrontés notamment les acteurs de la finance verte. C’est pourquoi des normes ESG ont surgi au niveau international afin de fournir un cadre formel au reporting de données non financières.

2 – Quels sont les standards internationaux et non européens de publication d’informations non financières ?

Les services de l’entreprise chargés de la gestion des reportings doivent s’intéresser régulièrement à l’évolution de la réglementation en matière de publication et de normes ESG. Certaines sociétés doivent appliquer des dispositions légales. D’autres adoptent ces standards de façon facultative, afin de mettre en avant leur politique RSE. Les normes facilitent l’apport d’information utile aux fonds communs de placement, sociétés de courtage et banques qui proposent des produits de finance durable. Citons par exemple les besoins d’indicateurs pour les ISR (investissements socialement responsables).

2.1 – Le Global Reporting Initiative (GRI)

Le GRI est une organisation internationale indépendante qui existe depuis 1997. Elle vise à accompagner et aider les acteurs économiques, institutions et gouvernements dans l’information relative à la gestion durable et responsable. Aussi, le GRI a émis des standards ESG :

  • les normes universelles applicables à toutes les entités dans le monde ;
  • les normes sectorielles pour certains secteurs d’activité spécifiques, avec la prise en compte d’un contexte donné ;
  • les normes thématiques qui s’intéressent à un impact particulier, comme les droits de l’homme ou les émissions carbone.  

2.2 – Le sustainability accounting standards board (SASB)

Le SASB est un autre système de référence utile pour les reportings de données non financières de type ESG. Il apporte des solutions pratiques pour 77 industries spécifiques. Il facilite la comparaison entre les sociétés d’un même secteur d’activité.

Désormais, les SASB Standards font partie d’IFRS Foundation, comme mentionné sous leur logo sur leur site web. Ainsi, l’International Sustainability Standards Board (ISSB) de l’International Financial Reporting Standards (IFRS) Foundation encourage les acteurs économiques à continuer d’utiliser les standards SASB. La fondation IFRS travaille en parallèle à la préparation de ses propres futures normes Sustainability Disclosure Standards.

2.3 – La Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD), un organisme dissous depuis fin 2023

Le Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board ou FSB) a créé la TCFD afin d’émettre des recommandations en matière de reporting relatif au changement climatique. Les informations visent à estimer comment le climat peut affecter les performances et à réaliser l’analyse et l’évaluation des risques induits.

La TCFD a publié son rapport d’étape en octobre 2023. Aussi, l’organisation a rempli ses objectifs et est désormais dissoute. Le FSB a confié à la fondation IFRS le suivi et l’évolution de ces critères ESG liés au climat. Le site web du TCFD reste accessible en termes de ressources documentaires.

2.4 – IFRS : un projet de normes ESG

Comme évoqué, la fondation IFRS ambitionne d’établir ses propres standards et normes ESG appelés Sustainability Disclosure Standards. D’ailleurs, en juin 2023, l’ISSB a déjà publié les deux premières normes IFRS liées à la durabilité : 

  • IFRS S1 – Exigences générales relatives aux informations à fournir sur le développement durable ;
  • IFRS S2 – Informations à fournir sur le climat.

3 – Normes ESG de l’Union européenne

L’Union européenne n’est pas en reste en matière d’obligations et de directives du type ESG. Voici un zoom utile sur les normes européennes pour deux raisons :

  • les standards RSE européens impactent directement certaines entreprises suisses ;
  • la Suisse est en train d’adapter certaines de ces mesures.

3.1 – La publication d’informations non financières du type NFRD

La directive 2014/95/EU date de 2014. Elle est entrée en vigueur en 2018. C’est la première obligation de publication d’informations non financières qui s’impose à des entreprises de l’Union européenne. NFRD signifie Non Financial Reporting Directive. Elle constitue la première norme ESG. Elle pose un cadre aux entreprises afin de communiquer sur les critères non financiers, mais aussi environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Cette étape dans l’information durable a concerné environ 11 000 structures dans l’UE. Mais, cette directive a montré ses limites. C’est pourquoi la réglementation CSRD la remplace depuis peu.

3.2 – La directive CSRD de 2022

La directive européenne 2022/2464/EU Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) se substitue à la directive précédente NFRD. Elle apporte de nouvelles normes pour l’information extra-financière. Elle doit aider les entreprises à se doter des moyens afin d‘atteindre les objectifs fixés par l’UE en matière de réduction des émissions carbone (Green Deal).

La nouvelle directive doit aider à mieux identifier les entreprises qui œuvrent pour le développement durable à partir de critères ESG. L’entrée en vigueur s’effectue progressivement, notamment en fonction de la taille des sociétés, y compris pour les petites et moyennes entreprises cotées en bourse.

La nouvelle directive CSRD conduit pour la première fois à une double matérialité, par rapport à la réglementation antérieure. Ainsi, elle oblige à mesurer  :

  • la matérialité financière, soit les opportunités ou risques qu’un environnement économique, environnemental ou social peut générer pour la performance d’une entreprise ;
  • la matérialité socio-environnementale, soit les impacts positifs comme négatifs d’une entreprise, tant sur l’environnement que sur la société. 

3.3 – L’European Sustainability Reporting Standards (ESRS) : des normes d’information en matière de durabilité

Le 31 juillet 2023, c’est au tour de la Commission européenne d’adopter ses normes pour mesurer la durabilité des entreprises : les ESRS. Ces normes ESG servent à mettre concrètement en application la directive CSRD.

C’est une pierre supplémentaire à l’édifice normatif européen en termes de finance durable. Des échanges avec l’ISSB et le GRI ont précédé l’émission de ces normes. L’objectif consiste à :

  • atteindre un bon niveau d’interopérabilité entre ces normes régionales (UE) et internationales ;
  • éviter des déclarations ou informations en double pour les entreprises.

3.4 – ESRS : une évolution vers des normes mondiales ou pas ?

Ces dernières années, plusieurs publications évoquent une volonté d’accélérer la normalisation des rapports financiers. Elles montrent des convergences entre les normes ESG internationales des différents organismes. C’est le cas entre le GRI, la fondation IFRS, le SASB et les ESRS, comme nous l’avons expliqué. En outre, les ESRS apportent une normalisation applicable dans une grande zone géographique du monde. L’avenir dira si ce schéma européen s’imposera ou pas comme le cadre de référence pour tous les acteurs économiques mondiaux.

4 – Quelles sources d’inspirations internationales existent en matière de risques financiers liés à la nature ?

Plus particulièrement, attachons-nous maintenant à identifier les organismes qui agissent en matière de finance verte et de risques financiers liés à la nature. C’est un sujet qui prend de plus en plus d’ampleur du fait du changement climatique et de la mise en danger de la biodiversité.

4.1 – Le Network of Central Banks and Supervisors for Greening the Financial System (NGFS)

Cette organisation signifie en français “réseau pour le verdissement du système financier”. Elle comprend des banques centrales et des superviseurs financiers. Le NGFS émet des recommandations aux établissements financiers concernant leur rôle sur le plan du changement climatique.

Dans son rapport d’étape daté de 2018, le NGFS écrit que «les risques liés au climat sont une source de risques financiers». Il ajoute qu’il «appartient par conséquent aux banques centrales et aux superviseurs, dans le cadre de leur mandat, de veiller à la

résilience du système financier face à ces risques».

4.2 – Des sources d’inspiration et d’information en matière de risques financiers liés à la nature

Voici quelques organismes cités par la FINMA dans son rapport explicatif relatif au projet de circulaire sur les risques financiers liés à la nature.

4.2.1 – L’IPBES (Intergovernmental platform on biodiversity and ecosystem service)

Cette organisation existe depuis 2012. Plusieurs États membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) se sont réunis autour des enjeux ESG afin :

  • de réaliser des évaluations par thématique, domaine ou zone dans le monde ; 
  • d’identifier des outils et méthodes pour déployer des politiques ESG ;
  • de renforcer les connaissances et les capacités des États membres ;
  • de sensibiliser et informer sur les travaux réalisés par l’IPBES.

4.2.2 – Intergovernmental panel on climate change (IPCC) ou GIEC en français

Cet organisme constitue le groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). C’est donc un organe des Nations Unies chargé de réaliser les évaluations de données scientifiques concernant le changement climatique.

4.2.3 – International Sustainability Standards Board (ISSB) de l’International Financial Reporting Standards (IFRS) Foundation

Nous avons déjà évoqué cet organisme ISSB que l’on peut traduire en français par Conseil international des normes de durabilité. Sa création émane de la fondation IFRS. C’est une annonce réalisée en 2021 lors de la 26e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, la COP 26. L’objectif de l’ISSB consiste à construire des normes relatives à l’information en matière de développement durable. Ces standards ESG démarrent par le signe IFRS-S, le S signifiant sustainability.

4.2.4 – Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD)

Nous avons déjà évoqué le TCFD dans une partie précédente de l’article. La dissolution de cet organisme est prononcée fin 2023, une fois émises les recommandations en matière de reporting sur le changement climatique. C’est la fondation IFRS qui reprend le suivi de ces travaux.

4.2.5 – Task Force on Nature-related Financial Disclosures (TNFD)

Ce groupe de travail comprend 40 membres issus d’institutions financières mondiales ou d’organismes gouvernementaux. La TNFD élabore des recommandations autour des risques liés à la nature, tant pour leur gestion, leur évaluation que pour l’établissement de reportings. La TNFD ne se concentre pas uniquement sur le changement climatique, contrairement à la TCFD.

5 – Comment la Suisse fait-elle évoluer sa réglementation sur le plan des normes et standards ESG ?

Par rapport à l’ensemble de ces standards et normes internationales en matière d’ESG, comment la Suisse agit-elle ? Quel est le niveau d’intégration des processus environnementaux, sociaux et de gouvernance dans les travaux de normalisation ? Quelles réglementations s’appliquent déjà ? Existe-t-il des projets d’évolution pour les entreprises et aussi pour le secteur bancaire ? Voici un tour d’horizon.

5.1 – Position du Conseil fédéral et plans d’action RSE

La Confédération évoque la responsabilité sociétale des entreprises et affirme qu’elle “attend des sociétés établies ou actives en Suisse qu’elles assument leur responsabilité, en Suisse comme à l’étranger, conformément aux normes et directives RSE internationalement reconnues”. Plusieurs plans d’action RSE du Conseil fédéral se sont succédé depuis 2015. Le dernier en date couvre la période 2020-2023.

5.2 – Obligation d’informations non financières en Suisse

Le code des obligations impose aux entreprises de communiquer :

  • Sur les sujets environnementaux et de travail, la lutte contre la corruption ainsi que les droits de l’homme, cela en ligne avec la directive européenne 2014/95/UE, soit les dispositions NFRD.
  • Et de faire diligence, concernant les minerais de conflit et le travail des enfants liés à l’importation de produits ou services.

L’ordonnance relative au rapport sur les questions climatiques précise les modalités à respecter pour construire ce document destiné à rendre compte de cette thématique climat.

5.3 – Des exigences réglementaires qui émanent de la FINMA

La FINMA aussi avance en matière de normalisation pour la finance durable, la finance verte, la lutte contre l’écoblanchiment ainsi que les risques financiers liés à la nature. Voici quelques textes réglementaires adoptés ou en cours d’élaboration. La communication du 4 décembre 2023 “la FINMA met en œuvre les recommandations du NGFS” fournit également une vue d’ensemble.

5.3.1 – Future circulaire FINMA relative aux risques financiers liés à la nature

Les risques financiers liés à la nature font l’objet d’une audition publique qui s’étend jusqu’au 31 mars 2024. La FINMA aligne sa définition de ces risques sur celle émise par le NGFS. Anciennement risque émergent, ce sujet en sort donc, du fait de la création en cours d’une réglementation spécifique.

5.3.2 – Obligations de transparence en matière de risques climatiques

La FINMA a révisé plusieurs circulaires en vue de rendre obligatoire l’information du public par les banques et assurances sur les risques en matière de climat. Ainsi, les publications suivantes sont impactées à compter du 1er juillet 2021 :

  • Publication – banques ;
  • Publication – assureurs.

Notez que les textes prévoient une proportionnalité de la réglementation, car seules les entités des catégories de surveillance 1 et 2 sont concernées dans un premier temps.

5.4 – Une évolution naturelle vers les normes ESG européennes ?

Comme évoqué, le Conseil fédéral souhaite avancer dans le domaine de la RSE en s’appuyant sur les normes internationalement reconnues. Le Code des obligations comporte désormais des exigences d’informations non financières qui rejoignent la directive NFRD de l’Union européenne. Même si pour le moment, aucune disposition réglementaire suisse n’implique de suivre la directive CSRD, les impacts sur les entreprises suisses existent déjà pour deux raisons. Le processus est en marche, voici pourquoi.

5.4.1 – Pourquoi les normes ESG européennes s’appliquent-elles obligatoirement à certaines entreprises suisses ?

Les textes européens s’imposent parfois à certaines structures non européennes, donc suisses notamment. C’est le cas :

  • si elles vendent plus de 150 millions d’euros avec des pays de l’UE ;
  • ou si elles détiennent une succursale ou une filiale, dans le cas de dépassement des seuils prévus par la loi.

5.4.2 – Pourquoi la directive CSRD concerne-t-elle bien plus d’entreprises suisses ?

Même sans obligation légale, les dispositions CSRD vont entraîner des conséquences significatives en Suisse. Les entreprises situées dans l’Union européenne qui y sont soumises exigent de leurs fournisseurs suisses la production de critères ESG, comme la fourniture d’un bilan carbone. Vu les volumes d’échanges entre la Suisse et ces pays, les normes ESG selon le format européen vont peu à peu entrer dans la stratégie des entreprises helvétiques.

Les normes ESG : une tendance mondiale à la convergence qui s’accroît

La finance durable exige de respecter des normes et standards reconnus, voire imposés par la réglementation, afin de communiquer les informations non financières pertinentes aux investisseurs. Les banques se situent en première ligne en termes d’ISR (investissement socialement responsable). Les financial services ont tout intérêt à soigner leur veille et leur recherche réglementaire en Suisse, comme auprès des instances internationales. Chez EasyReg, nous leur offrons avec notre solution RegTech, de nombreuses fonctionnalités qui leur facilitent cette tâche.

La finance verte : panorama d’un concept qui s’inscrit dans un processus mondial normalisé

finance verte

Les enjeux du changement climatique et de ses impacts sur la biodiversité ont conduit à créer un concept nouveau, celui de la finance verte. D’autres termes comme la finance durable existent, mais la distinction s’impose. L’apparition des investissements verts a entraîné des ajustements afin de lutter contre le greenwashing, une technique de stratégie verte qui n’en porte que le nom. Des normes et réglementations ont surgi dans le secteur bancaire mondial, européen ou suisse. Et ce n’est pas fini ! Nous vous proposons dans cet article un panorama complet sur la finance verte, sa naissance et son évolution.

1 – Qu’est-ce que la finance verte ?

La finance verte (green finance) ne doit pas être confondue avec la finance durable (sustainable finance). Elle constitue en réalité un des trois axes d’une stratégie basée sur la durabilité.

1.1 – Définition de la finance verte

Ce concept recouvre toutes les actions financières ou opérations d’investissement et de financement qui aident à la transition écologique et énergétique. Elles participent à la lutte contre le réchauffement climatique. Entrent par exemple dans cette catégorie les obligations vertes pour le financement de projets à but écologique ou le marché au carbone, afin d’échanger des droits à polluer.

L’organisation internationale de normalisation (ISO) écrit ainsi que la finance verte “désigne des activités liées aux interactions réciproques entre l’environnement d’une part, la finance et l’investissement d’autre part”.

1.2 – La finance verte s’insère dans la finance durable

La finance verte constitue un des axes de la finance durable. Le terme français de durable provient de l’expression anglaise “sustainable” que nous pouvons traduire aussi par “soutenable”.

Ainsi la finance durable recouvre les pratiques financières et d’investissement susceptibles de concilier la performance économique et des impacts positifs sur le plan environnemental, social et de la gouvernance.

Voici les trois axes de la finance durable :

  1. La finance verte concerne des projets qui répondent à des enjeux énergétiques ou climatiques.
  2. La finance solidaire correspond à des projets d’utilité sociale comme le microcrédit ou des actions de réinsertion. La rentabilité ne constitue pas la priorité.
  3. La finance responsable (ou socialement responsable) englobe des projets qui favorisent les investissements socialement responsables (ISR). Ils doivent respecter les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

L’objectif de la finance durable consiste à contribuer à bâtir une planète plus durable ou pérenne. Les financeurs sont supposés orienter les financements vers des actions à l’impact positif sur le long terme.

2 – Quelles sont les origines des notions de finance verte et de finance durable ?

Qu’est-ce qui a conduit le monde de la finance à concevoir ces nouveaux concepts ? Des prémices existaient depuis des siècles. Puis, plusieurs événements mondiaux ont contribué à renforcer le concept de durabilité et aussi à rendre la finance plus green.

2.1 – Les fondements de la finance durable mondiale

Les origines de la finance durable remontent à la création du prêt à gage destiné à apporter une aide financière aux personnes démunies. C’était le rôle du Mont-de-piété, organisme créé à Paris en 1637.

La crise financière mondiale de 2008 a aussi contribué à accroître le besoin de transparence sur le plan des montages financiers. La volonté des acteurs de la finance est alors de rendre les opérations plus transparentes, notamment en matière de communication.

2.2 – Le rôle de l’ONU dans la construction des objectifs de développement durable mondiaux

L’organisation des Nations Unies fixe en 2015 une liste de 17 objectifs de développement durable (ODD) pour atteindre un monde plus pérenne. Ils comportent des volets pour :

  • lutter contre les dérèglements du climat, la dégradation de l’environnement et la mise en danger de la biodiversité ;
  • réduire les inégalités et la pauvreté ;
  • améliorer la prospérité ;
  • développer la paix et la justice.

Ainsi, le chapitre 6 des ODD concerne l’eau propre et l’assainissement. Le 7e traite de l’énergie propre à un coût abordable. Quant au 13e, il présente les mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques. Enfin, les chapitres 14 et 15 portent sur les dispositions en faveur de la vie aquatique et terrestre, afin de préserver les ressources et la biodiversité.

2.3 – Création du NGFS en 2017

En 2017, le réseau mondial des banques centrales et des superviseurs chargé du verdissement du système financier voit le jour. Il porte le nom de NGFS ou Network for Greening the Financial System. Nous aurons l’occasion de détailler son rôle dans un prochain article sur les normes environnementales et de finance verte.

3 – Les enjeux de la finance verte mondiale

Les pratiques humaines et industrielles ont engendré des conséquences néfastes sur l’environnement. Les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial mettent en péril la stabilité climatique ainsi que la biodiversité. Il devient urgent d’agir, comme acté par les ODD en 2015.

3.1 – Le réchauffement climatique et le changement climatique

Les énergies consommées dans le monde représentent 73 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). C’est le principal facteur du changement climatique. Le réchauffement mondial expliqué par l’activité humaine est estimé en 2017 à +1 degré par rapport à la période pré-industrielle. Quant au niveau de la mer, en moyenne, il s’est élevé de 20 cm depuis 1880. Les gaz à effet de serre ont doublé de 1990 à 2017.

De nombreux phénomènes climatiques comme des tsunamis, ouragans, inondations et séismes créent des dommages humains et matériels considérables sur la planète. Ainsi, plus de 1,3 million de personnes ont péri entre 1998 et 2017 pour des motifs de catastrophes naturelles.

Globalement, les mesures de l’ODD visent à contenir la hausse des températures mondiales en moyenne à 1,5 degré Celsius par rapport au niveau enregistré avant l’ère industrielle. Cet effort suppose de réduire les émissions de gaz à effet de serre presque de 50 % d’ici 2030, grâce à une économie bas-carbone.

Notons aussi que les 55 pays qui ont signé l’Accord de Paris entré en vigueur le 5 octobre 2016 poursuivent désormais un objectif de neutralité carbone pour 2050. La Suisse a ratifié ce texte en 2017 et s‘est engagée également à diminuer ses GES de 50 % d’ici 2030 (par rapport au niveau d’émission de 1990).

3.2 – Les risques sur la biodiversité

Les chapitres 14 et 15 des ODD mettent en avant l’importance de la biodiversité marine comme terrestre pour l’avenir et la survie de l’humanité. Les modes de gestion des espèces animales et végétales doivent être revus afin de compenser les effets observés du changement climatique. Les objectifs comprennent notamment d’ici 2020 ou 2030 : 

  • la réduction de la pollution marine et la protection des écosystèmes marins ;
  • l’abaissement de l’acidification des océans ;
  • la réduction de la surpêche et la réglementation de la pêche ;
  • la préservation et la restauration des écosystèmes terrestres et d’eau douce ;
  • le développement d’une gestion durable des forêts ;
  • la diminution de l’appauvrissement de la biodiversité.

3.3 – Le concept de finance verte pour appuyer la transition écologique

L’axe environnemental de la finance durable, donc la finance verte, a pris de l’importance ces dernières décennies, face au dérèglement climatique mondial et aux menaces sur la biodiversité. Il vise donc à soutenir des investissements en faveur de l’environnement. C’est une stratégie en ligne directe avec les objectifs mondiaux en vue de la transition écologique (ODD de l’ONU et Accord de Paris notamment).

4 – Des évolutions réglementaires autour de la finance verte en Suisse

Le développement d’offres de produits et services financiers dans le cadre de la finance verte a entraîné des dérives du type greenwashing. Les gouvernements et les régulateurs des pays ont dû intervenir pour encadrer progressivement la notion de finance verte. Et les évolutions ne sont pas terminées, en Suisse, dans l’Union européenne comme dans le monde entier.

4.1 – Finance durable : une volonté aussi d’accroître la transparence sur la communication des entreprises

Comme évoqué, la crise financière de 2008 a eu des effets sur la finance durable avec la volonté d’améliorer la transparence. En outre, les modes de consommation évoluent. Le consommateur recherche plus d’informations sur les produits financiers qu’il souscrit, placements ou crédits. Ce processus peut être rapproché des demandes d’étiquetage des produits en général sur le plan environnemental.

4.2 – Le greenwashing, une conséquence du développement de la finance durable

Notons toutefois que les offres bancaires ont parfois dû faire l’objet de recadrages. En effet, dans l’optique de suivre la demande des investisseurs et des entreprises en produits du type green, certains établissements ont pratiqué du greenwashing ou de l’écoblanchiment. Ce concept signifie que des acteurs (une banque ou un fonds d’investissement par exemple) cherchent à paraître plus respectueux de l’environnement qu’ils ne le sont réellement. La pratique peut comporter des informations mensongères ou des fausses promesses.

4.3 – Création de normes anti-greenwashing

Ces actions conduisent peu à peu à renforcer les exigences réglementaires pour l’ensemble du secteur bancaire. Toutes ces interventions des autorités prudentielles mondiales comme nationales contribuent à accroître la complexité de la réglementation financière.

Ainsi, la Suisse a mis en place des normes pour combattre l’écoblanchiment. La FINMA a publié une communication en mai 2021 relative à la surveillance en vue de prévenir et de lutter contre le greenwashing. Cette communication précise les attentes de la FINMA et le niveau de la pratique concernant les placements collectifs qui font mention de la durabilité des fonds et des établissements. Elle alerte aussi les prestataires de services financiers sur les risques de l’écoblanchiment dans leurs activités de conseil comme sur les points de vente.

Le Conseil fédéral annonce fin 2022 sa volonté d’organiser de nouvelles étapes dans la lutte contre l’écoblanchiment. Il souhaite qu’un produit dit durable présente systématiquement “un objectif de placement durable en plus d’un objectif purement financier”. L’accroissement des exigences réglementaires dans ce domaine fait finalement sortir le risque lié au greenwashing des risques émergents.

3.4 – Finance durable et réglementation bancaire : que dit la Suisse ?

Le concept de finance durable a conduit l’État à construire un cadre réglementaire. Ainsi, le 16 décembre 2022, le Conseil Fédéral a adopté le rapport sur la durabilité de la place financière. 15 mesures sont à déployer de 2022 à 2025. L’objectif affiché est de rester leader sur le plan mondial en matière de finance durable.

3.5 – Les risques financiers liés à la nature : un nouveau concept qui va accroître les normes dans les banques

Le dérèglement du climat et la mise en danger de la biodiversité comportent des nouveaux risques appelés risques financiers liés à la nature. Ces risques émergents ont également des conséquences pour les établissements bancaires. C’est la raison pour laquelle de nouvelles dispositions réglementaires sont en cours d’élaboration. Ainsi, la FINMA prépare une circulaire sur ce thème. Elle fait l’objet actuellement, début 2024, d’une audition publique.

Nous consacrerons un prochain article à l’ensemble des organismes et normes internationaux qui régissent la finance durable et en particulier la finance verte. Ces thématiques n’ont pas fini de faire parler d’elles. Le greenwashing, la catégorisation des investissements financiers, les risques liés à la nature, la publication d’informations non financières du type ESG, etc. voilà des sujets qui vont engendrer de nouvelles obligations réglementaires. Chez easyReg, nous nous faisons fort de vous accompagner dans cette transition en matière de gestion réglementaire, grâce à notre solution RegTech.