La finance verte : panorama d’un concept qui s’inscrit dans un processus mondial normalisé

mars 20, 2024
finance verte

Les enjeux du changement climatique et de ses impacts sur la biodiversité ont conduit à créer un concept nouveau, celui de la finance verte. D’autres termes comme la finance durable existent, mais la distinction s’impose. L’apparition des investissements verts a entraîné des ajustements afin de lutter contre le greenwashing, une technique de stratégie verte qui n’en porte que le nom. Des normes et réglementations ont surgi dans le secteur bancaire mondial, européen ou suisse. Et ce n’est pas fini ! Nous vous proposons dans cet article un panorama complet sur la finance verte, sa naissance et son évolution.

1 – Qu’est-ce que la finance verte ?

La finance verte (green finance) ne doit pas être confondue avec la finance durable (sustainable finance). Elle constitue en réalité un des trois axes d’une stratégie basée sur la durabilité.

1.1 – Définition de la finance verte

Ce concept recouvre toutes les actions financières ou opérations d’investissement et de financement qui aident à la transition écologique et énergétique. Elles participent à la lutte contre le réchauffement climatique. Entrent par exemple dans cette catégorie les obligations vertes pour le financement de projets à but écologique ou le marché au carbone, afin d’échanger des droits à polluer.

L’organisation internationale de normalisation (ISO) écrit ainsi que la finance verte “désigne des activités liées aux interactions réciproques entre l’environnement d’une part, la finance et l’investissement d’autre part”.

1.2 – La finance verte s’insère dans la finance durable

La finance verte constitue un des axes de la finance durable. Le terme français de durable provient de l’expression anglaise “sustainable” que nous pouvons traduire aussi par “soutenable”.

Ainsi la finance durable recouvre les pratiques financières et d’investissement susceptibles de concilier la performance économique et des impacts positifs sur le plan environnemental, social et de la gouvernance.

Voici les trois axes de la finance durable :

  1. La finance verte concerne des projets qui répondent à des enjeux énergétiques ou climatiques.
  2. La finance solidaire correspond à des projets d’utilité sociale comme le microcrédit ou des actions de réinsertion. La rentabilité ne constitue pas la priorité.
  3. La finance responsable (ou socialement responsable) englobe des projets qui favorisent les investissements socialement responsables (ISR). Ils doivent respecter les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

L’objectif de la finance durable consiste à contribuer à bâtir une planète plus durable ou pérenne. Les financeurs sont supposés orienter les financements vers des actions à l’impact positif sur le long terme.

2 – Quelles sont les origines des notions de finance verte et de finance durable ?

Qu’est-ce qui a conduit le monde de la finance à concevoir ces nouveaux concepts ? Des prémices existaient depuis des siècles. Puis, plusieurs événements mondiaux ont contribué à renforcer le concept de durabilité et aussi à rendre la finance plus green.

2.1 – Les fondements de la finance durable mondiale

Les origines de la finance durable remontent à la création du prêt à gage destiné à apporter une aide financière aux personnes démunies. C’était le rôle du Mont-de-piété, organisme créé à Paris en 1637.

La crise financière mondiale de 2008 a aussi contribué à accroître le besoin de transparence sur le plan des montages financiers. La volonté des acteurs de la finance est alors de rendre les opérations plus transparentes, notamment en matière de communication.

2.2 – Le rôle de l’ONU dans la construction des objectifs de développement durable mondiaux

L’organisation des Nations Unies fixe en 2015 une liste de 17 objectifs de développement durable (ODD) pour atteindre un monde plus pérenne. Ils comportent des volets pour :

  • lutter contre les dérèglements du climat, la dégradation de l’environnement et la mise en danger de la biodiversité ;
  • réduire les inégalités et la pauvreté ;
  • améliorer la prospérité ;
  • développer la paix et la justice.

Ainsi, le chapitre 6 des ODD concerne l’eau propre et l’assainissement. Le 7e traite de l’énergie propre à un coût abordable. Quant au 13e, il présente les mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques. Enfin, les chapitres 14 et 15 portent sur les dispositions en faveur de la vie aquatique et terrestre, afin de préserver les ressources et la biodiversité.

2.3 – Création du NGFS en 2017

En 2017, le réseau mondial des banques centrales et des superviseurs chargé du verdissement du système financier voit le jour. Il porte le nom de NGFS ou Network for Greening the Financial System. Nous aurons l’occasion de détailler son rôle dans un prochain article sur les normes environnementales et de finance verte.

3 – Les enjeux de la finance verte mondiale

Les pratiques humaines et industrielles ont engendré des conséquences néfastes sur l’environnement. Les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial mettent en péril la stabilité climatique ainsi que la biodiversité. Il devient urgent d’agir, comme acté par les ODD en 2015.

3.1 – Le réchauffement climatique et le changement climatique

Les énergies consommées dans le monde représentent 73 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). C’est le principal facteur du changement climatique. Le réchauffement mondial expliqué par l’activité humaine est estimé en 2017 à +1 degré par rapport à la période pré-industrielle. Quant au niveau de la mer, en moyenne, il s’est élevé de 20 cm depuis 1880. Les gaz à effet de serre ont doublé de 1990 à 2017.

De nombreux phénomènes climatiques comme des tsunamis, ouragans, inondations et séismes créent des dommages humains et matériels considérables sur la planète. Ainsi, plus de 1,3 million de personnes ont péri entre 1998 et 2017 pour des motifs de catastrophes naturelles.

Globalement, les mesures de l’ODD visent à contenir la hausse des températures mondiales en moyenne à 1,5 degré Celsius par rapport au niveau enregistré avant l’ère industrielle. Cet effort suppose de réduire les émissions de gaz à effet de serre presque de 50 % d’ici 2030, grâce à une économie bas-carbone.

Notons aussi que les 55 pays qui ont signé l’Accord de Paris entré en vigueur le 5 octobre 2016 poursuivent désormais un objectif de neutralité carbone pour 2050. La Suisse a ratifié ce texte en 2017 et s‘est engagée également à diminuer ses GES de 50 % d’ici 2030 (par rapport au niveau d’émission de 1990).

3.2 – Les risques sur la biodiversité

Les chapitres 14 et 15 des ODD mettent en avant l’importance de la biodiversité marine comme terrestre pour l’avenir et la survie de l’humanité. Les modes de gestion des espèces animales et végétales doivent être revus afin de compenser les effets observés du changement climatique. Les objectifs comprennent notamment d’ici 2020 ou 2030 : 

  • la réduction de la pollution marine et la protection des écosystèmes marins ;
  • l’abaissement de l’acidification des océans ;
  • la réduction de la surpêche et la réglementation de la pêche ;
  • la préservation et la restauration des écosystèmes terrestres et d’eau douce ;
  • le développement d’une gestion durable des forêts ;
  • la diminution de l’appauvrissement de la biodiversité.

3.3 – Le concept de finance verte pour appuyer la transition écologique

L’axe environnemental de la finance durable, donc la finance verte, a pris de l’importance ces dernières décennies, face au dérèglement climatique mondial et aux menaces sur la biodiversité. Il vise donc à soutenir des investissements en faveur de l’environnement. C’est une stratégie en ligne directe avec les objectifs mondiaux en vue de la transition écologique (ODD de l’ONU et Accord de Paris notamment).

4 – Des évolutions réglementaires autour de la finance verte en Suisse

Le développement d’offres de produits et services financiers dans le cadre de la finance verte a entraîné des dérives du type greenwashing. Les gouvernements et les régulateurs des pays ont dû intervenir pour encadrer progressivement la notion de finance verte. Et les évolutions ne sont pas terminées, en Suisse, dans l’Union européenne comme dans le monde entier.

4.1 – Finance durable : une volonté aussi d’accroître la transparence sur la communication des entreprises

Comme évoqué, la crise financière de 2008 a eu des effets sur la finance durable avec la volonté d’améliorer la transparence. En outre, les modes de consommation évoluent. Le consommateur recherche plus d’informations sur les produits financiers qu’il souscrit, placements ou crédits. Ce processus peut être rapproché des demandes d’étiquetage des produits en général sur le plan environnemental.

4.2 – Le greenwashing, une conséquence du développement de la finance durable

Notons toutefois que les offres bancaires ont parfois dû faire l’objet de recadrages. En effet, dans l’optique de suivre la demande des investisseurs et des entreprises en produits du type green, certains établissements ont pratiqué du greenwashing ou de l’écoblanchiment. Ce concept signifie que des acteurs (une banque ou un fonds d’investissement par exemple) cherchent à paraître plus respectueux de l’environnement qu’ils ne le sont réellement. La pratique peut comporter des informations mensongères ou des fausses promesses.

4.3 – Création de normes anti-greenwashing

Ces actions conduisent peu à peu à renforcer les exigences réglementaires pour l’ensemble du secteur bancaire. Toutes ces interventions des autorités prudentielles mondiales comme nationales contribuent à accroître la complexité de la réglementation financière.

Ainsi, la Suisse a mis en place des normes pour combattre l’écoblanchiment. La FINMA a publié une communication en mai 2021 relative à la surveillance en vue de prévenir et de lutter contre le greenwashing. Cette communication précise les attentes de la FINMA et le niveau de la pratique concernant les placements collectifs qui font mention de la durabilité des fonds et des établissements. Elle alerte aussi les prestataires de services financiers sur les risques de l’écoblanchiment dans leurs activités de conseil comme sur les points de vente.

Le Conseil fédéral annonce fin 2022 sa volonté d’organiser de nouvelles étapes dans la lutte contre l’écoblanchiment. Il souhaite qu’un produit dit durable présente systématiquement “un objectif de placement durable en plus d’un objectif purement financier”. L’accroissement des exigences réglementaires dans ce domaine fait finalement sortir le risque lié au greenwashing des risques émergents.

3.4 – Finance durable et réglementation bancaire : que dit la Suisse ?

Le concept de finance durable a conduit l’État à construire un cadre réglementaire. Ainsi, le 16 décembre 2022, le Conseil Fédéral a adopté le rapport sur la durabilité de la place financière. 15 mesures sont à déployer de 2022 à 2025. L’objectif affiché est de rester leader sur le plan mondial en matière de finance durable.

3.5 – Les risques financiers liés à la nature : un nouveau concept qui va accroître les normes dans les banques

Le dérèglement du climat et la mise en danger de la biodiversité comportent des nouveaux risques appelés risques financiers liés à la nature. Ces risques émergents ont également des conséquences pour les établissements bancaires. C’est la raison pour laquelle de nouvelles dispositions réglementaires sont en cours d’élaboration. Ainsi, la FINMA prépare une circulaire sur ce thème. Elle fait l’objet actuellement, début 2024, d’une audition publique.

Nous consacrerons un prochain article à l’ensemble des organismes et normes internationaux qui régissent la finance durable et en particulier la finance verte. Ces thématiques n’ont pas fini de faire parler d’elles. Le greenwashing, la catégorisation des investissements financiers, les risques liés à la nature, la publication d’informations non financières du type ESG, etc. voilà des sujets qui vont engendrer de nouvelles obligations réglementaires. Chez easyReg, nous nous faisons fort de vous accompagner dans cette transition en matière de gestion réglementaire, grâce à notre solution RegTech.