Risques émergents : définition et tour d’horizon pour 2024

risques émergents

La couverture et la gestion des risques demandent d’anticiper, de se projeter loin et de rester à l’affût des nouveaux risques qui surviennent. C’est d’autant plus vrai dans un contexte mondial mouvant, incertain et souvent en crise. Tous les secteurs d’activité, les banques, les compagnies d’assurance, les cabinets d’audit, mais aussi l’ensemble des entreprises, ont intérêt à se préoccuper des risques émergents.

Voici un article qui aborde en détail cette notion, même en l’absence de définition normée. Découvrez les nouveaux risques majeurs des dernières années ainsi que ceux qui apparaissent, le tout illustré d’exemples ou de publications sur le sujet.

1 – Risques émergents : tentative de définition

Cette notion ne fait pas l’objet d’une définition standardisée ou normée. De nombreuses autorités nationales, européennes ou mondiales donnent leur propre définition du concept d’emerging risks.

1.1 – Notion de risques émergents : pas de définition normée

Les risques existent dans tous les domaines. La norme ISO 31000 de 2018 précise que le risque est l’effet de l’incertitude sur les objectifs. Parfois, la nature de ces risques est toute nouvelle. On parle alors de risques émergents.

La notion d’emerging risks peut se définir comme les risques qui viennent juste d’être identifiés ou pour lesquels une évaluation ou une analyse approfondie devient pertinente. En effet, ces risques qui surgissent sont généralement moins bien connus et maîtrisés.

De nombreuses définitions d’organismes qui gravitent dans la gestion des risques existent. Nous avons choisi de vous en proposer deux, l’une suisse et l’autre européenne.

1.2 – Risques émergents : définition de l’ASA (Association Suisse d’Assurances)

L’ASA écrit : “les nouvelles technologies et l’évolution de la société moderne sont porteuses de nouvelles opportunités, mais aussi de nouveaux risques. Ces risques d’un nouveau genre concernent notre vie future. Du fait de leur évolution dynamique, ils sont difficiles à identifier et à évaluer, c’est ce que l’on appelle les risques émergents”.

Cette association  fédère des assureurs dont le métier consiste à couvrir les risques ajoute : “en assurance, elle désigne habituellement les risques possiblement susceptibles de survenir dans le futur et affichant une potentialité de sinistres élevée”.

1.3 – Risques émergents : définition de l’EFSA (autorité européenne de sécurité des aliments)

L’EFSA écrit que le risque émergent est :

  • “un risque résultant d’un danger nouvellement identifié auquel une exposition significative pourrait se produire ;
  • ou un risque résultant d’une exposition et/ou d’une sensibilité nouvelle ou accrue et inattendue à un danger déjà connu”.

2 – Enjeux des risques émergents dans le pilotage des organisations

Quelle que soit l’activité, la finance, les assurances, la santé, la sécurité des aliments, etc. finalement toute entreprise privée comme publique se doit de piloter les risques, y compris les risques émergents.

2.1 – Caractéristiques majeures des risques émergents pour une banque

Voici 4 critères qui correspondent aux risques émergents pour les établissements financiers :

  • la nouveauté, avec notamment le fait de devoir relever des défis pour lesquels la banque ne dispose d’aucune expérience ;
  • l’incertitude du risque, car le niveau de son impact et la probabilité de sa survenance restent complexes à estimer ou à prévoir ;
  • la possibilité d’une évolution rapide du risque émergent, dans un environnement complexe externe, face à des technologies nouvelles, des risques de marché ou géopolitiques ;
  • le risque d’effet en cascade dans l’établissement bancaire, qu’il s’agisse d’impacts opérationnels, financiers, stratégiques voire de nuisance à la réputation.

2.2 – Importance et utilisation pratique des risques émergents dans les entreprises

Les métiers de l’audit interne ou de l’audit légal notamment l’ont bien compris : les enjeux sont conséquents. L’insertion d’une analyse des risques émergents dans les organisations permet de se projeter au-delà des cartographies traditionnelles des risques.

En intégrant l’identification et la gestion des risques émergents, chaque organisation peut :

  • accroître sa maîtrise de la situation dans un contexte mouvant externe à l’entreprise ;
  • améliorer sa capacité d’anticipation afin de réduire l’impact des risques identifiés ;
  • accroître sa gestion globale du risque et déployer une culture des risques ;
  • renforcer les processus stratégiques de la structure.

3 – Les risques émergents majeurs des années 2020 pour le secteur bancaire

Connaissez-vous les risques émergents qui ont surgi ces dernières années, notamment au cours de la période de la COVID-19 et juste après ? Nous les passons en revue avec un zoom sur le greenwashing et la manière dont la FINMA y a répondu.

3.1 – Les risques émergents récents dans les banques

Les établissements financiers ont été confrontés à l’arrivée de nouveaux risques comme : 

  • les cryptomonnaies, la blockchain ;
  • le greenwashing ou écoblanchiment sur les marchés financiers ;
  • les nouveaux risques liés au climat ou changements climatiques ;
  • les risques induits par la forte hausse des taux d’intérêt ;
  • les risques d’approvisionnement en énergie (manque d‘électricité et de gaz lors de l’hiver 2022) ;
  • l’intelligence artificielle (voir chapitre 4) ;
  • la pandémie de la COVID-19 et notamment le travail à distance. 

3.2 – Le greenwashing : comment la FINMA y a mis fin en 2021 

C’est une préoccupation forte chez les régulateurs, comme les administrations nationales et internationales, sans oublier les entreprises. Le greenwashing ou écoblanchiment en français est en réalité un processus marketing. Il se rencontre quand une organisation se donne une apparence éco-responsable en communiquant de façon trompeuse sur ses actions ESG.

Dans le domaine financier, il s‘agit par exemple de proposer des investissements ESG (actions ou fonds) qui n’ont d’ESG que le nom en réalité. La difficulté pour les banques comme pour les assureurs consiste donc à estimer la réalité des produits du type green. C’est un risque qui peut être qualifié d’émergent en Suisse, jusqu’à ce que la FINMA clarifie les attentes en 2021.

Ainsi, la communication sur la surveillance 05/2021 et relative à la prévention et lutte contre l’écoblanchiment permet de faire sortir le sujet des risques émergents. La FINMA y précise ses attentes en matière de gestion de placements collectifs durables. Elle met en avant également les risques d’écoblanchiment pour les services financiers qui proposent des produits dans le domaine de la durabilité. Elle y édicte des règles : 

  • d’organisation pour les établissements qui gèrent des placements collectifs de capitaux se référant à la durabilité ;
  • et de conduite pour les points de vente.

4 – Un risque émergent récent pour le secteur financier et les assurances notamment : l’IA

L’intelligence artificielle semble désormais dans toutes les têtes, quels que soient les métiers, les secteurs d’activité ou le type d’organisation, entreprise privée, administration publique, etc. Les banques et compagnies d’assurance n’y échappent pas. 

4.1 – L’intelligence artificielle, une technologie au développement fulgurant

Traitement de données avec le machine learning, recherche sémantique ou vectorielle, création de contenus à base d’intelligence artificielle à l’université, exploitation de l’IA dans le domaine de la santé, les exemples ne manquent pas. Le développement exponentiel de l’IA générative depuis 2022 avec ChatGPT d’OpenAI ou Google Bard a clairement démocratisé le processus auprès du grand public. Ces outils ouvrent le champ des possibles en termes de services et de tâches envisageables au travail comme à titre personnel.

Pourtant, c’est aussi une source nouvelle de risques émergents multiples. Ainsi Axa fait entrer l’IA et le big data à la quatrième place de sa Top liste des risques, selon la dixième édition du Future Risk Report publiée en octobre 2023.

4.2 – L’IA, un risque ? De quoi parle-t-on exactement ?

Même si tous les impacts en matière de risques restent encore à éclaircir, l’intelligence artificielle interroge sur plusieurs points. L’IA évolue en permanence. L’analyse des risques émergents semble toujours en cours et mouvante. Les outils d’IA restent perfectibles et il semble que la méthode soit actuellement celle du test and learn. Chaque nouvelle version des solutions IA apporte de la nouveauté, des progrès, voire la correction de risques.

Voici quelques thématiques concrètes qui entrent actuellement dans les risques émergents sur le plan de l’IA :

  • une protection juridique des données complexes concernant l’IA générative, tant pour l‘exploitation des informations sources par l’IA que pour la propriété des textes créés ;
  • développement de cyberattaques ciblées du type phishing ou installation de malwares de façon massive et automatisée ;
  • manipulation des marchés financiers avec des fake news ou destruction de la réputation de quelqu’un ou d’une société ;
  • accroissement des robots et automates qui fonctionnent avec de l’intelligence artificielle, la difficulté consistant à appréhender la responsabilité civile liée à des produits défectueux ;
  • détournement de systèmes de reconnaissance faciale par l’IA ;
  • corruption des algorithmes de trading par l’IA pour faire évoluer des valeurs de marché de façon artificielle et nuire à la concurrence, etc.

Wikipedia a même créé une page intitulée “risque de catastrophe planétaire lié à l’intelligence artificielle générale” ! Ce risque majeur traite de l’extinction humaine irréversible, liée au développement incontrôlé par l’homme de l’IA. Le débat est ouvert ! Notez que le FLI (Future of Life Institute) a demandé en mars 2023 une pause dans le déploiement de solutions plus puissantes que GPT-4 sur le plan de l’IA générative.

4.3 – Un risque pointé du doigt par le Conseil de stabilité financière américain (FSOC)

Récemment, le FSOC (Financial Stability Oversight Council) à Washington a mis en avant les risques émergents que représente l’intelligence artificielle sur le plan financier. Il estime que c’est même une source de vulnérabilité sur le plan de la finance. Les régulateurs américains considèrent ainsi que l’utilisation de l’IA dans les services financiers exige d’appliquer des principes et règles en matière de gestion des risques. Le FSOC précise toutefois que l’utilisation de l’IA apporte de réels avantages pour la réduction des coûts et pour l’efficacité.

5 – Des exemples de publications sectorielles qui traitent des risques émergents

Pour terminer ce panorama des risques émergents, voici deux publications en Suisse qui traitent régulièrement de ce sujet. C’est une manière de suivre l’évolution des risques et l’apparition de nouveaux domaines à surveiller.

5.1 – Gestion des risques et risques émergents : les préoccupations majeures des assureurs

Évidemment, les compagnies d’assurance se situent en première ligne en matière de gestion des risques. L’Association Suisse d’Assurances (ASA) regroupe 70 sociétés d’envergure mondiale, assurance des biens et des personnes, assurance-vie et assurance complémentaire maladie.

Cette association publie régulièrement sur sa page dédiée aux risques émergents diverses analyses et réflexions comme :

  • la robotique et l’intelligence artificielle ;
  • les matériaux respectueux de l’environnement et des évolutions du climat face à la sécurité ;
  • les risques latents causés à des tiers et liés aux produits ;
  • l’industrie 4.0 et l’internet des objets ;
  • les pannes d’électricité ;
  • la mobilité autonome et les systèmes d’assistance à la conduite ;
  • adaptation au climat et effets du changement climatique ;
  • risques liés à la pandémie mondiale de la COVID-19 ;
  • etc.

5.2 – La communication annuelle de la FINMA sur le monitorage des risques : une forme d’analyse des risques émergents

Le secteur bancaire n’est pas en reste sur le plan des risques émergents. Qu’il s’agisse de veille réglementaire ou d’identification de nouveaux facteurs de risques pour les services financiers, la FINMA apporte sa pierre à l’édifice. Ainsi, elle publie chaque année un rapport intitulé “monitorage des risques”, qui, même s’il n’utilise pas le concept de risques émergents, traite toutefois exactement de ce sujet.

En effet, le régulateur vise dans cette publication périodique à attirer l’attention sur les risques actuels et ceux qui surgissent tout juste. Pour 2023, le monitorage FINMA des risques identifie 9 points majeurs pour le secteur financier, les deux derniers étant nouveaux :

  • le risque de taux ;
  • le risque de crédit pour les hypothèques ;
  • le risque des autres crédits ;
  • le risque d’écart de rendement 
  • le risque de cyberattaques ;
  • le risque relatif à la lutte contre le blanchiment d’argent ;
  • le risque lié à la difficulté d’accès aux marchés étrangers ;
  • le risque de liquidité et de refinancement ;
  • le risque d’externalisation d’activités opérationnelles.

En outre, ce monitorage des risques de la FINMA zoome chaque année sur une tendance qui pourrait selon elle influer durablement sur les marchés financiers suisses. En 2023, c’est l’utilisation de l’intelligence artificielle qui est ainsi mise en avant avec ses enjeux, ses défis et ses risques.

Le communiqué de presse de 2023 relatif au monitorage des risques précise que la FINMA “attend des établissements assujettis que ceux-ci prennent en compte de manière adéquate les risques liés à l’intelligence artificielle“. La FINMA ajoute qu’elle “examinera la manière dont les assujettis utilisent l’intelligence artificielle en appliquant une approche fondée sur les risques et le principe de proportionnalité”.

Risques émergents : la nécessité de veille pour les services financiers

Probablement que de nouveaux textes de régulation apparaîtront dans les prochains mois ou années sur le plan mondial, comme en Suisse, pour encadrer l’usage de l’IA dans le secteur financier. C’est un des risques émergents pour la finance, mais loin d’être le seul. La veille sur ces thématiques d’emerging risks vous permet de suivre et d’anticiper les évolutions du droit et des règlements. E-Reg, notre solution RegTech se consacre à la simplification de la réglementation financière. Elle vous aide à analyser les textes en vigueur, ainsi que les projets de lois, d’ordonnances ou de règlements. Pour échanger sur les fonctionnalités offertes, prenez rendez-vous avec Enrico Giacoletto.

Monitorage des risques 2022

La FINMA vient de publier son monitorage des risques 2022. Le document décrit les risques que la FINMA considère comme les plus importants. C’est ainsi un document très utile pour vérifier que l’analyse des risques de son établissement a bien identifié tous les risques clés pertinents et que l’évolution de l’environnement est bien prise en compte.

1 – Principaux risques

Les principaux risques identifiés dans le monitorage des risques de l’année 2021 restent d’actualité et voici leurs évolutions en 2022 selon l’analyse de la FINMA :

  • Risque de taux ( ↑ )
  • Risque de crédit : hypothèques ( ↑)
  • Risque de crédit : autres crédits (↑)
  • Cyberrisques (→)
  • Blanchiment d’argent et sanctions (↑)
  • Accès au marché européen (↑)

 

2 – Nouveau risque 2022

Le risque d’augmentation des primes de risque (credit spreads) est ajouté pour la première fois en 2022 :

  • Risque de marché : risque d’écart de rendement (→)

 

3 – Tendances à plus long terme

Tendances susceptibles d’influencer durablement la place financière suisse à plus long terme :

Après avoir traité du risque climatique et d’écoblanchiment dans le rapport 2021, le rapport 2022 analyse la tendance à recourir à des applications de finance décentralisée sur des infrastructures de blockchains publiques. Dans le rapport, la FINMA précise qu’elle fonde son appréciation des projets DeFi sur une approche économique et applique le droit en vigueur conformément au principe « same business, same risks, same rules ».

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