Banques suisses : les ratios réglementaires essentiels actuels… et à venir ?

juin 2, 2023
ratios réglementaires

Même si la réglementation financière suisse et internationale n’a cessé d’évoluer au fil des années et risque probablement encore de se modifier, il est possible de dégager 5 ratios réglementaires clés les plus suivis dans une banque suisse. Cet article détaille chacun de ces indicateurs, les objectifs poursuivis et leur efficacité. Vous y trouverez aussi les textes de loi et les circulaires FINMA qui les régissent actuellement ainsi que l’impact potentiel de Bâle III final.

0 – Évolution des ratios réglementaires dans le temps

Nous détaillons dans la suite de l’article les cinq plus importants indicateurs clés que les banques suisses doivent respecter sur le plan de la réglementation financière actuelle. Ces ratios ont fait l’objet de multiples évolutions dans le temps. Pour les petits établissements, différentes règles de simplification (“proportionnalité”) existent. Nous les traiterons dans un prochain texte.

0.1 – Les travaux du Comité de Bâle

La Suisse est membre du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire. Son objectif consiste à renforcer la fiabilité et la sécurité du système bancaire international. Cette instance a proposé depuis sa création en 1974 de nombreux indicateurs, à travers ses directives et normes, afin de mesurer et de limiter la prise de risques des banques.

Toutefois, malgré cette volonté de normaliser l’approche financière du risque, c’est parfois compliqué de couvrir ainsi toutes les réalités des établissements avec des modèles d’affaires et des environnements différents. Contrôler par des ratios réglementaires tout en favorisant la croissance et l’activité économique constitue un art plus qu’une science exacte. 

0.2 – L’impact des crises financières sur les ratios réglementaires

Faisant suite à la crise mondiale majeure de 2008, le comité de Bâle a conduit de nombreuses réformes appelées Bâle III afin de renforcer le contrôle des fonds propres et des liquidités. La publication des standards finaux à respecter en 2017 vient compléter le train de nouvelles mesures entrées en vigueur en 2013. D’où le nom de Bâle III final. La mise en œuvre en Suisse devrait s’effectuer en 2025. 

Les indicateurs évoluent donc au gré des crises et, espérons le, gagnent en maturité à chaque changement. Pourtant, ces nouvelles approches n’ont pas suffi à éviter les difficultés du secteur bancaire mondial, aux USA ou en Suisse en 2023. D’autres modifications interviendront probablement encore dans les prochaines années.  

0.3 – Un objectif constant dans le temps : la sensibilité aux risques

Ces différents ratios réglementaires utilisés dans les banques suisses visent à mesurer la sensibilité au risque. Ils servent à estimer le risque pris, grâce à des indicateurs transparents et relativement simples à calculer. C’est ainsi que le document de discussion du Comité de Bâle publié en juillet 2013 s’intitule “cadre réglementaire : assurer l’équilibre entre sensibilité au risque, simplicité et comparabilité”.

1 – Fonds propres dans les banques suisses

Les fonds propres font partie du pilier 1 du règlement de Bâle. Il précise les fonds propres à prendre en compte. Il fixe aussi les méthodes de calcul des fonds propres minimaux au titre des risques de crédit, opérationnels et de marché.

1.1 – Un ratio réglementaire pondéré par les risques

C’est la première exigence en Suisse en matière de capital. Ainsi, les actifs des banques sont pondérés par différents pourcentages en fonction du risque. Le terme anglais utilisé est RWA pour risk weighted assets. Ces actifs pondérés sont ensuite mis en rapport avec le capital (ajusté) de la banque en question.

1.2 – Calcul actuel des fonds propres selon les textes en vigueur

Ce premier indicateur de fonds propres a évolué dans le temps. Actuellement, la réglementation exige ce calcul pour le risque de crédit, le risque de marché et le risque opérationnel.

Notez que le comité de Bâle ne requiert pas de calculer les fonds propres pour le risque de taux d’intérêt au niveau du pilier 1. Toutefois, c’est intégré dans le pilier 2 relatif à la couverture des fonds propres et à la gestion des risques. La Suisse l’a traduit dans la réglementation de la planification des fonds propres, selon la circulaire FINMA 11/02. À la lumière de la crise bancaire mondiale actuelle, nous pouvons nous interroger sur cette absence de fonds propres obligatoires pour le risque de taux d’intérêt.

1.3 – Introduction du leverage ratio (LR), donc sans pondération des risques

L’indicateur de fonds propres tel que défini précédemment a été parfois détourné par le passé. En effet, certains établissements bancaires avaient investi dans des actifs notés AAA, donc avec une pondération par les risques à 0 %. Or, en réalité, ils présentaient un risque. De ce fait, les régulateurs ont modifié doublement les exigences. D’une part, ils ont durci les règles lors de l’utilisation de notations externes. 

D’autre part, ils ont renforcé la réglementation avec l’introduction du “leverage ratio” dit LR. C’est un ratio de fonds propres non pondéré. Il se calcule en pourcentage de l’engagement total. Cette notion de levier maximal correspond au rapport entre les actifs et le capital ajusté. Il limite de façon absolue le levier possible.

1.4 – Les sources réglementaires suisses à utiliser pour les fonds propres

Pour ces ratios réglementaires relatifs à la solvabilité des banques, référez-vous en Suisse à l’Ordonnance sur les fonds propres (OFR). C’est l’annexe 8 de l’OFR qui définit le total minimum des fonds propres. Des circulaires FINMA complètent les règles à appliquer. Notez que ces textes feront l’objet d’une modification lors de la mise en œuvre de Bâle III final.

2 – LCR ou Liquidity Coverage Ratio

Ce ratio réglementaire relatif à la liquidité des banques s’est ajouté aux indicateurs existants après la crise financière de 2008.

2.1 – Définition du LCR

L’objectif est la surveillance de la capacité de chaque banque à disposer en permanence de liquidités suffisantes afin de respecter ses obligations de paiement, même si une crise survient. Le fait de conserver suffisamment de liquidités en réserves doit permettre de passer une situation difficile avec une dégradation brutale. 

Le comité de Bâle a conçu cet indicateur de telle sorte que le niveau d’actifs liquides de haute qualité (HQLA) sécurise la pérennité de la banque en cas de crise pendant 30 jours calendaires. On parle de stress test uniforme de liquidité, sur la base d’hypothèses de sorties de fonds (outflows) et d’entrées de fonds (inflows).

2.2 – Calcul du ratio LCR

Conformément à l’article 13 de l’Oliq, le LCR correspond au rapport entre l’encours des HQLA (actifs liquides de haute qualité) et la sortie nette de trésorerie attendue à 30 jours en situation de crise. Pour respecter les exigences du LCR, la banque doit présenter un ratio supérieur ou égal à 1.

2.3 – Les limites actuelles du Liquidity Coverage Ratio

Toutefois, des rachats dans l’urgence réalisés récemment pour éviter des faillites mettent en évidence la nécessité de faire évoluer ce ratio LCR. Il n’est plus tout à fait adapté à notre époque où l’argent peut partir encore plus vite d’une banque que ce que prévoit cet indicateur.

2.4 – Les textes en matière de ratio de liquidité

Pour la Suisse, c’est l’ordonnance sur les liquidités des banques et des maisons de titres (Oliq) qui définit le LCR, tant pour les exigences quantitatives que qualitatives. La circulaire FINMA 15/02 précise les règles d’application. La mise en place de Bâle III en Suisse pays ne modifiera pas ces textes. C’est en quelque sorte une bonne nouvelle pour la simplification de la réglementation financière.

3 – Le leverage ratio ou ratio de levier

Cet indicateur introduit la notion de ratio d’endettement maximum, conformément aux exigences prévues dans le pilier 1 du règlement de Bâle.

3.1 – Objectif de cet indicateur bancaire

C’est un ratio de fonds propres non pondéré sur les risques. Cet indicateur réglementaire restreint l’effet de levier maximal d’une banque. Il limite de façon absolue la taille du bilan de la banque par opposition au ratio des fonds propres qui fonctionne de manière risk based.

3.2 – Les sources d’information en matière de leverage ratio pour la Suisse

Dans notre pays, c’est l’Ordonnance sur les fonds propres (OFR), complétée par la circ.-FINMA 15/03 qui définit les exigences de leverage ratio. Ces textes feront l’objet d’une modification pour intégrer les dispositions de Bâle III final.

Niveau de ratio de levier requis en Suisse

Selon l’art. 46 de l’OFR, les banques suisses non systémiques doivent présenter des fonds propres de base d’au moins 3 % des positions non pondérées. Ce niveau s’avère conforme aux standards minimaux de Bâle.

4 – Ratio réglementaire NSFR

Le NSFR signifie Net Stable Funding Ratio, soit en français, ratio structurel de liquidité long terme. Il est aussi appelé ratio de financement. Il fait partie d’une des réformes majeures introduites par le Comité de Bâle après la crise de 2008-2009.

4.1 – Définition et rôle du NSFR

L’objectif de cet indicateur consiste à assurer le financement à long terme des établissements bancaires. Ainsi le Comité de Bâle écrivait en 2014 que “le NSFR exigera des banques qu’elles maintiennent un profil de financement stable s’agissant de la composition de leurs actifs et de leurs activités de hors-bilan”. Avec une telle structure financière, le risque de défaillance se réduit. Toutefois, l’impact de ce ratio semble peu important pour le moment en Suisse.

4.2 – Textes de la réglementation financière relatifs au NSFR

L’Ordonnance sur les liquidités des banques (Oliq) régit le ratio NSFR. La circ.-FINMA 15/02 en précise les règles d’application. Le déploiement de Bâle III final n’impactera pas ces textes réglementaires dans notre pays.

4.3 – Calcul et niveau du ratio de financement en Suisse

L’article 17g de l’Oliq détaille le calcul du NSFR. C’est le rapport entre le financement stable disponible (Available Stable Funding ou ASF) et le financement stable exigé (Requirend Stable Funding ou RSF). Les exigences minimales correspondent à un taux de NSFR au moins égal à 1.

5 – Les gros risques ou concentration risks

Même si ce n’est pas un ratio réglementaire à proprement parler, les limites applicables en matière de gros risques s’avèrent parfois structurantes. Elles nécessitent un suivi actif.

5.1 – Des règles destinées à limiter le risque de concentration des acteurs bancaires

L’objectif consiste à mesurer le risque de concentration excessive et à le limiter. De notre point de vue, ces indicateurs s’avèrent plutôt performants et ont montré leur efficacité. Sur la base de notre expérience, c’est, après le ratio des fonds propres, un de ceux qui soulève le plus grand nombre de questions.

5.2 – Les textes de la réglementation qui régissent les gros risques

C’est l’Ordonnance sur les fonds propres (OFR) qui réglemente les “gros risques”, notamment dans le titre 4. Ainsi l’article 95 définit le gros risque lorsque la position globale envers une contrepartie ou un groupe de contreparties liées atteint ou excède 10 % des fonds propres de base corrigés

L’art. 109 détaille la notion de groupe de contreparties liées. Enfin, la circ.-FINMA 19/01 en précise l’implémentation pratique. Quant à Bâle III final, il n’impactera pas ce point. En effet, la version en vigueur de Bâle III les a déjà pris en compte.

Des ratios réglementaires suisses qui n’ont pas fini d’évoluer

Les régulateurs se sont appliqués ces dernières années à faire évoluer les ratios bancaires au niveau international afin de limiter le risque des banques sans juguler leur croissance. Ces changements permanents vont très certainement se poursuivre.

Dans une société mouvante et dynamique où l’innovation ne cesse de bousculer les pratiques, les indicateurs bancaires actuels ne conviendront probablement plus demain. Ils devront intégrer de nouveaux concepts pour réagir à la crise financière de 2023, notamment sur le plan du risque de liquidité et celui de taux. Mais, ce ne seront pas les seules évolutions. Des ratios de durabilité, entre autres, s’ajouteront aux exigences actuelles. La réglementation n’a pas fini de s’adapter !

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